Banishers Ghosts of New Eden, c’est la nouvelle création de Don’t Nod Entertainment, le studio derrière Life is Strange. Une proposition intrigante, à base d’esprits vengeurs et de personnes chargées de les bannir, le tout dans une ambiance Amérique du Nord de la fin du XVIIe siècle. Est-ce que cette chasse aux fantômes vaut le détour ? Voici notre verdict.
Don’t Nod Entertainment est un studio que vous connaissez sûrement pour sa licence phare : Life is Strange. Un jeu narratif qui a rencontré un beau succès, au point de s’offrir plusieurs suites. D’une manière générale, l’éditeur est un peu le spécialiste du genre. Et en 2022, il a révélé au grand jour Banishers : Ghosts of New Eden. Une aventure où on défonce des fantômes à coups d’épées, de fusils et de pouvoirs fantomatiques. Je signe où ? Plus sérieusement, une telle proposition a piqué la curiosité des joueurs, notamment grâce à la promesse d’une histoire touchante sur fond de conte d’épouvante. Alors, est-ce que le pari est réussi ?
Une histoire d'amour touchante, mais sans plus
Banishers (on va éviter de répéter sans arrêt Ghosts of New Eden) nous met dans la peau de Red et Antea, deux bannisseurs. Un métier peu réjouissant, où ils doivent se charger d’évincer des spectres qui continuent d’errer dans le monde des vivants. C’est en quelque sorte des enquêteurs, puisqu’ils doivent découvrir les raisons derrière la présence des fantômes : pourquoi est-ce qu’ils restent parmi nous ? Voilà en quoi consiste leur travail. Notre aventure commence en 1695, alors qu’ils sont dépêchés à New Eden, une région fictive de l'État américain du Massachusetts. Une malédiction a frappé ces terres, et ils vont devoir faire la lumière dessus.
Le postulat de départ a le mérite d’être intrigant, et rapidement, on est pris par les malheurs des habitants de New Eden. L’ambiance est morose, pesante, les rues sont dénuées de vie, bref, ce n’est pas la fête au village. On comprend vite qu’une menace légendaire pèse sur cet endroit, et qu’il ne va pas être aisé de s’en débarrasser. Et c’est bien vrai, puisque Antea va malheureusement décéder au cours de l’introduction.
Ce n’est pas un spoiler, dans le sens où ça n’a jamais été caché par le studio. C’est normal, puisque c’est l’un des éléments les plus importants de Banishers. Sa mort est dramatique pour Red, puisqu’avant d’être l’élève d’Antea, il est surtout en couple avec elle. La tragédie s’est donc abattue sur nos deux protagonistes, mais tout n’est pas perdu. La jeune femme est revenue sous la forme d’un fantôme, et elle ne disparaîtra pas tant que la créature qui l’a tuée ne sera pas éradiquée. Toutefois, le fil rouge de l’histoire n’est pas vraiment cette poursuite de la vengeance. Ce qui n’est pas un mal, car ça devient vite anecdotique. Le jeu va plutôt se concentrer sur la relation entre Red et Antea.
Banishers n’est pas seulement un action-RPG. C’est aussi un jeu narratif, qui donne la part belle à nos amoureux. Et il faut le reconnaître, leurs interactions sont plutôt crédibles. On est investi dans leurs mésaventures, et les dialogues entre les deux sont assez bien écrits. Même leurs petits échanges lorsqu’on se balade sont appréciables, en lieu et place d’être lourds parce qu’ils ne savent pas se la boucler. Le problème, c’est que ça ne s’applique pas avec tout le monde.
Red et Antea sont des personnages intéressants, et heureusement, car ce sont eux qu’on contrôlent. Cependant, ce n’est pas le cas du reste du casting. La plupart des personnes qu’on croise n’ont pas des histoires vraiment passionnantes à nous raconter. On finit par éviter d’avoir à leur parler tant les discussions paraissent longues. Ce n’est pas aidé par les animations faciales qui peinent à délivrer la moindre trace d’émotion. C’est bien dommage, car comme c’est un jeu narratif, on mange souvent beaucoup de dialogues. Finalement, la partie du récit qui se montre plus prenante, c’est celle qui concerne la traque des fantômes.
Le Sherlock Holmes des fantômes, c'est vous
Banishers est découpé en missions, et à chaque fois, la structure est globalement la même. On arrive dans un lieu en proie au désespoir, et on doit débusquer la personne responsable de ce dernier. Pour ce faire, on va utiliser nos talents de bannisseur pour mener l’enquête, tout en interrogeant les habitants du coin. La partie « investigation » est relativement linéaire, dans le sens où le jeu nous indique clairement ce qu’il faut faire. Alors oui, c’est plaisant de devoir utiliser Antea pour suivre les traces d’un fantôme ou comprendre ce que ressentent les gens. Red est capable de faire des rituels (invoquer un esprit, entendre un écho du passé), et c’est techniquement à nous de savoir lequel on doit utiliser. Mais on aurait bien aimé que ce soit un chouia moins dirigiste.
Pour cause, c’est plutôt bien pensé. Les « Cas de Hantise », qui sont recensés dans un menu dédié, nous donnent vraiment la sensation d’être un détective cherchant à lever le voile sur une sombre affaire. On se prend au jeu, et même si on est souvent pris par la main, ça reste des séquences plaisantes. Grâce à elles, on saisit mieux le rôle d’un bannisseur, et on ne passe pas juste son temps à taper sur des spectres. Il y a même des choix à faire lorsqu’on arrive à la conclusion d’une enquête, où on va devenir le juge des accusés.
C’est là où on reconnaît bien Don’t Nod, avec la question des choix à faire qui déterminent le reste du récit. Banishers embrasse complètement ce concept et vous avertit que des conséquences, il va y en avoir. Bon, en temps normal, ça peut faire grincer des dents. La promesse d’avoir un réel impact sur le scénario via nos décisions, on l’a déjà entendue, et ça ne s’avère pas toujours. Mais Banishers n’est pas un titre qui ment.
Vous allez réellement devoir réfléchir à l’ampleur de vos choix. Le jeu vous rappelle souvent ce que vous avez fait, et vous montre même parfois les représailles. C’est donc un argument de taille pour la rejouabilité, mais pas que. En fait, ça nous permet d’être plus investi dans l’histoire, car on modifie également les comportements d’Antea et Red à travers nos décisions. Cela aide aussi à oublier le côté répétitif de nos péripéties, qui peuvent devenir lassantes au bout de quelques heures. Bon, et le matraquage de fantômes dans tout ça ?
Ma profession, démolir des armées de fantômes
Comme on l’a dit plus haut, Banishers a une composante RPG. Que ce soit Antea et Red, les deux ont un équipement qu’il est possible d’améliorer ou de changer. Ils ont aussi plusieurs arbres de compétences respectifs, qui permettent de débloquer de nouveaux combos, entre autres. Quant aux combats, ils se font en temps réel, et c’est à vous de retenir la façon d’exécuter les compétences qui ont été débloquées. Ça demande un temps d’adaptation, mais c’est assez satisfaisant comme manière d’évoluer. Il y a un côté apprentissage qui n’est pas pour déplaire.
Le gros du gameplay se divise en deux parties : les moments où on va résoudre des enquêtes, à l’aide des capacités spéciales de Red et Antea, et les passages où on va faire parler nos armes. Ca se présente toujours de la même manière, c’est-à-dire qu’on arrive dans une zone, et des ennemis apparaissent. On a alors le choix entre plusieurs options, et c’est là où il faut commencer à être stratégique.
Lors d’un affrontement, on peut choisir de contrôler Red ou Antea. Etant donné que cette dernière est morte, elle ne possède pas les mêmes aptitudes que son conjoint. Déjà, elle ne peut pas décéder (oui, je sais, c’est choquant). Du coup, lorsqu’on l’utilise, peu importe ce qu’on fait, ça va coûter de l’énergie à la jeune femme. En particulier si elle est touchée, mais ça empêche son partenaire de perdre de la vie. Une fois la barre vidée, on revient automatiquement à Red. L’usage d’Antea est donc un refuge temporaire efficace, en sachant qu’elle est plus puissante contre les créatures possédées.
Car oui, en combat, les esprits que vous affrontez sont capables de prendre possession des carcasses aux alentours. Ça rajoute une bonne dose de difficulté, car il vaut mieux les empêcher de le faire, sans quoi il sera encore plus dur de les vaincre. Les cadavres les rendent plus puissants, et si Antea n’est pas disponible, la situation tourne vite au vinaigre. Vous l’aurez compris, bourriner, ça ne marche pas, et cette dimension stratégique aux joutes contre les spectres est appréciable.
De son côté, Red se défend avec une épée, un fusil et le pouvoir de bannir les fantômes. L’arme à feu n’est pas facile à utiliser, et son temps de rechargement est assez long. Une fois encore, on doit être patient face à nos adversaires, et bien jauger le moment où on va attaquer. Lorsqu’on se jette sur un ennemi, l’enchaînement des coups avec Red est délicieux, et leur impact se ressent clairement. Le gameplay est véritablement grisant (même s'il aurait mérité quelques finitions), et ne fait pas l’erreur de nous forcer à combattre tous les cinq pas.
Ceci dit, le bestiaire manque peut-être de variation dans les monstres rencontrés. Cela étant, les fantômes qu’on affronte sont fort bien pensés. Ce ne sont pas de simples esprits vengeurs. Il y a un côté folklorique dans l’univers de Banishers qui rend les combats encore plus importants dans le récit. Chaque entité qu’on aperçoit rentre dans une catégorie bien précise, et même si ça ne sert pas à les repousser plus efficacement, si on s’attache au lore, ça joue dans la balance. C’est encore plus vrai pour les boss. Par conséquent, on peut être incité à en savoir plus sur le monde qui nous entoure et les menaces qui l’habitent.
Un monde semi-ouvert qui peine à nous investir
Qu’on soit en train de résoudre un « Cas de Hantise » ou non, dans Banishers, on évolue dans un monde semi-ouvert. En bref, ça veut dire qu’on peut se balader plus ou moins librement sur la carte, mais qu’on ne peut pas aller partout d’entrée de jeu. Ici, les premiers pas dans cet univers sont prenants. Son côté mystérieux joue en sa faveur, et on est rapidement invité à explorer les environs pour se familiariser avec les lieux. Seulement voilà, l’émerveillement ne dure pas longtemps.
D’abord, il y a un problème au niveau des décors. Vous allez parcourir des forêts, des cavernes, des mines, puis des forêts, des cavernes, des mines, et ainsi de suite. Vous avez saisi l’idée, on traverse constamment des zones qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Au bout d’une dizaine d’heures de jeu, c’est indigeste, et on se limite à faire des voyages rapides via les feux de camp qu’on a allumés. Mais bon, s’il n’y avait que ça, on ne se plaindrait pas autant. Cependant, ça ne s’arrête pas là.
Puisque c’est un monde semi-ouvert, vous pouvez prendre le temps de l’explorer dans ses moindres recoins. Une tâche qui s’avère fastidieuse, car il n’y a pas grand-chose de fascinant à faire. On peut, par exemple, débusquer des ressources et des trésors çà et là, qui serviront à améliorer notre équipement. On a également la possibilité d’invoquer des ennemis spéciaux pour obtenir une récompense rare. C’est aussi le moyen de trouver des quêtes secondaires cachées. Le bilan est clair, on n’a rien de passionnant à se mettre sous la dent. En conséquence, on peut finir par tracer une ligne droite sans s’arrêter sur le chemin.
Pourtant, il n’est pas si mal fait. Les décors, même s’ils manquent cruellement de variété, restent agréables à regarder grâce à une mise en scène réussie. De plus, l'atmosphère générale est travaillée. Allez, ça manque peut-être d’une petite musique d’ambiance agréable à écouter, mais c’est tout. De même, l’exploration du monde de Banishers permet d’avoir plus d’interactions entre Antea et Red. La mentor peut carrément utiliser ses pouvoirs fantomatiques pour traverser certaines zones normalement impraticables, ce qui ajoute un côté intéressant à l’évolution dans un lieu. On sent que le jeu souhaite qu’on s’égare dans son univers, mais c’est un effort considérable quand on a fait le tour de sa proposition. L’idée reste à saluer, mais l’exécution laisse à désirer.